Les mots Yin et yang font désormais partie du langage commun. Pourtant, plusieurs idées fausses circulent sur ce couple issu de la pensée traditionnelle chinoise. Dans ce billet, j'aborderai trois points essentiels qui permettront d'en avoir une compréhension plus juste. Celle-ci s'articule finalement autour de la notion d'harmonie.
Lors d'une chaude soirée de printemps, je parcourais la carte des vins d'un restaurant quand mon doigt s'arrêta net sur un vin du Pays d'Oc que le viticulteur avait baptisé Yin Yang. Sur l'étiquette de la bouteille, par ailleurs délicieuse, figuraient ces quelques lignes : "ÉQUILIBRE ET HARMONIE, Structure et arômes, Puissance et élégance, Terroir et senteur des garrigues, Masculin et féminin". On notera premièrement une certaine confusion dans les termes. En admettant que yang soit masculin et yin féminin, la structure est-elle vraiment de type yang et les arômes (volatils) sont-ils de type yin ? La puissance existe-t-elle exclusivement sous une forme de type yang ? Comment le terroir pourrait-il être de type yang et les arômes de type yin ? Au-delà de cette confusion, ce choix d'attribuer des caractéristiques opposées ou complémentaires à deux pôles que l'on désigneraient par les mots yin et yang conduit en fait à passer à côté de la véritable nature du couple yin-yang.
Voici donc trois points essentiels à garder en mémoire :
- yin-yang (阴阳) ne doit pas être perçu comme l'opposition de deux caractéristiques fixes telles que le féminin et le masculin ; à l'inverse, il s'agit plutôt d'un couple formé par deux impulsions solidaires qu'il est préférable d'exprimer selon des verbes d'action tels que remplir (c.-à.d. passer du vide au plein) et vider (c.-à.d. passer du plein au vide), alourdir (c.-à.d. passer de l'insubstantiel au substantiel) et alléger (c.-à.d. passer du substantiel à l'insubstantiel), accumuler (c.-à.d. passer d'un état dilué à un état concentré) et disperser (c.-à.d. passer d'un état concentré à un état dilué), ou encore centripète (c.-à.d. rapprocher du centre) et centrifuge (c.-à.d. éloigner du centre) ;
- l'égalité stricte au sein du couple yin-yang ne doit pas représenter un idéal à atteindre ; sont en jeu deux courants dont les forces fluctuent ; parfois le premier l'emporte, parfois c'est le second qui doit s'imposer ;
- la stratégie de type yang est instinctive et possiblement vaine ; la stratégie de type yin est moins accessible, et il convient de la cultiver.
Ces trois points s'appliquent évidemment aussi bien dans la vie courante que dans le cadre d'un art martial comme le taiji quan. Ainsi, dans l'exercice de "poussée des mains", l'esprit est d'abord réceptif, de façon à pouvoir accueillir puis guider l'action du partenaire, avant de se montrer déterminé quand il s'agit d'achever la réponse à cette action. Ces trois points essentiels reposent en fait sur la notion d'harmonie (和), que les anciens penseurs chinois ont distingué avec raison de l'identité (同). Ce que l'on doit chercher, c'est en fait la coexistence harmonieuse entre deux impulsions dont les rapports varient selon les circonstances.
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Gauchon Jean-Paul (vendredi, 06 mai 2022 13:25)
Je trouve la rédaction et les exemples donnés TOP ... ❤️