Persévérance

En hommage au rover qui s'est posé hier avec succès sur le sol martien, voici un billet sur la persévérance dans le cadre de la pratique du tai chi chuan.

S'il est parfois tentant de rapprocher le tai chi chuan de la pensée taoïste, il est une qualité indispensable à la pratique qui s'inscrit plutôt dans le courant confucianiste : la persévérance. Persévérer, c'est user de volonté et de patience pour poursuivre une action, ici la pratique du tai chi chuan, malgré les difficultés.

Face à un mouvement complexe, ces difficultés peuvent par exemple surgir quand le corps n'est pas encore suffisamment forgé pour l'effectuer, quand les crispations mentales induisent des rigidités qui vont à son encontre, quand des lacunes théoriques empêchent de saisir son sens profond, ou quand l'absence de travail martial réduit celui-ci à une simple figure de danse. Toutes ces difficultés sont en réalité riches de promesses, car elles sont la plupart du temps dépassables avec l'aide d'un bon professeur. Le pratiquant peut alors accéder à un nouveau stade et poursuivre son parcours avec la satisfaction d'avoir surmonté des obstacles.

D'autres occasions, plus pernicieuses, nécessitent une grande persévérance. Notamment, la stagnation ou l'installation d'habitudes confortables inscrivent la pratique dans une durée qui peut être longue mais dépourvue d'innovations. Plus grave encore, les tentations sont nombreuses de préférer une autre activité, une autre discipline, un autre style, ou un autre professeur. Parvenir à repousser ces tentations, c'est alors faire preuve d'une grande persévérance, car souvent "l'herbe n'est pas plus verte ailleurs". Cependant, il faut parfois savoir déceler une situation qui nécessite en effet une rupture qui permettra de poursuivre la pratique sur de meilleurs bases.

Au cours de mes treize années de pratique du tai chi chuan style Chen, j'ai évidemment traversé de telles difficultés, mais la persévérance m'a non seulement permis de poursuivre ma pratique mais aussi de la renouveler. Depuis ces dernières années, des boulversements se sont notamment produits, qui font que ma manière de pratiquer aujourd'hui est sensiblement différente de celle d'il y a cinq ans. Un enregistrement de ma pratique de 2015, filmé à Chenjiagou, témoigne de cette évolution. Bien que certaines personnes préfèreront mon tai chi de 2015, il ne fait aucun doute pour moi que ma pratique actuelle est beaucoup plus satisfaisante à de nombreux points de vue. Ces boulversements qui ont réorienté ma pratique résultent de ma soif d'apprendre, de mon refus de suivre la majorité quand un choix s'est présenté à moi, de rencontres avec des maîtres qui m'ont ouvert les yeux sur certains principes. C'est aussi cela la persévérance.

A l'image du rover qui va maintenant passer quelques années à chercher d'anciennes traces de vie sur Mars, chaque pratiquant a pour mission de maintenir sa pratique vivante, alors bon courage à toutes et à tous !